Existe ?

Si je pleurs sous la douche, est-ce que mes larmes existent ? Si je crie en silence, est-ce que ma détresse existe ? Si je la vis derrière la porte fermée, est-ce que ma panique existe ? Ce que personne ne sait n’a aucune existence en dehors de ma tête. C’est surement pour cela que je n’avais pas encore trouvé les mots. Non plus justement pas écris les mots. Si ils ne sont pas écrits noir sur blanc, je peux prétendre. Ecouter de la musique et prétendre. Sourire et prétendre. Serrer les poings et prétendre. Discuter et prétendre. Pleurer et prétendre. Vivre et prétendre. Je veux croire que ce n’est pas un schéma mais juste un vide passager. Je veux croire que je peux m’en sortir seule. Je ne sais pas où je vais avec ce texte. Je ne sais même pas si je vais le publier. Mais après cette crise, j’ai eu besoin d’écrire quelques mots. D’évacuer un peu le trop plein. Même si cela n’a aucun sens.

Être à sa place

Respire. Par le nez. Encore et encore. Nour doit à chaque fois se le rappeler. Il ne faut pas combattre la machine. Malgré de nombreuses fois où elle a plongé avec eux et la combinaison, elle doit passer par ce mantra à chaque fois. Son cerveau a toujours cet instant de panique. L’instinct de survie reprend le dessus quand l’eau commence à entourer son visage. Pendant une seconde aussi longue qu’une éternité son corps réagit à la noyade. Puis le rationnel revient. Elle se souvient que la combinaison la protège. Que malgré l’eau et la profondeur, elle ne risque rien. Nour inspire profondément et retourne au moment présent. Au milieu de l’océan. Au milieu de sa famille. Au milieu d’une bataille sans fin. Mais ce n’est pas le moment de penser à cela. Non c’est le moment de suivre les deux femmes de sa vie dans leur milieu naturel. Découvrir enfin la beauté des fonds marins. Elle a parcouru la ville mais pas encore au-delà. Nour sent la main de Denaya dans la sienne puis se retrouve tirée en avant sans ménagement. Elles sont alors suivies par le rire de Janaïs.

Nour se laisse entrainer et décide de laisser les soucis pour un autre jour. Elle se concentre sur la sensation de l’eau. Elle a presque l’impression de la sentir sur sa peau. De sentir sa froideur. De sentir sa densité. Nour étend sa conscience jusqu’à sa main qui tient celle de sa fille. Elle dirige son esprit sur la taille de leurs deux mains. Sur la façon dont elles s’emboitent. Elle essaye tant bien que mal d’oublier tous les curieux à leurs balcons. Elle essaye de ne pas se tendre pour ne pas gâcher le plaisir de Denaya. Mais comme toujours elle a l’impression d’être une bête de foire. La seule en combinaison. La seule humaine. Ses ruminations sont interrompues quand elle sent la main de Janaïs dans son dos. Ses lèvres bleues nuit s’étirent en un sourire doux et Nour voit la compréhension dans ses yeux indigos. Les pensées négatives s’évanouissent devant le visage de sa femme. Nour n’a pas besoin de faire partie des Neptuniens pour savoir que sa place est ici. Qu’elle ne veut être nulle part ailleurs.

Lire la suite

L’illusion du rejet

Les portes fermées. Les repas sans moi. Les absences. Les excuses. Les annulations. Tant de choses qui n’ont rien à voir avec moi. Et pourtant tant de choses qui me blessent. Encore et encore. Un coup de poignard à chaque fois. Et cette ritournelle qui revient. Encore et encore. Je ne suis pas assez bien. Je ne compte pas. Personne ne veut de moi. La spirale infernale. Jusqu’à ce que la part rationnelle rappelle à l’ordre. Rappelle que non rien ne me visait. Que ce ne sont que des actions innocentes. Que je ne suis pas le centre des choses. Je ne peux jamais empêcher le coup de poignard. Je sais juste sortir de la spirale plus vite. Je sais juste me rappeler que je compte. Que des gens ont envie de passer du temps avec moi. Que des gens m’aiment. Et qu’ils ont raison. Parce que je ne suis pas juste une personne horrible que tout le monde va abandonner. 

L’antre du chat

La véranda est son fief. Son antre. Son espace. Pour être tranquille. Pour dormir en paix. C’est toujours le premier endroit où on le cherche. Un coup d’œil par la porte vitrée et on sait tout de suite si il y est. Il y a son panier un peu en hauteur. Pour être confortable mais surveiller aussi le jardin. Il lui suffit de lever la tête pour savoir si la menace est réelle ou non. C’est un endroit où les humains ne viennent pas l’embêter. Il sait d’expérience que personne n’accède à la véranda s’il s’y repose. Alors quand il y a trop de bruit ou de gens, il y file sans demander son reste. Il enfouit sa tête dans ses pattes et le monde disparait. Jusqu’à ce qu’il entende le tourniquer du placard. Immédiatement il saute de son panier pour venir gratter la porte vitrée. Il attrape du regarde une humaine. Malgré qu’il avala son dernier repas il y a peu de temps, le placard aux merveilles s’ouvre alors sur l’armada de pâtés et de friandises. Il se frotte et miaule jusqu’à avoir exactement ce qu’il veut. Ce petit espiègle ne daignera pas manger sans cela. Et l’humaine fautive de ce caprice ne peut que s’y plier. Présenter les différents choix jusqu’à l’approbation. Elle doit aussi rester là à côté jusqu’à la dernière miette. Qu’elle ait natation, travail ou rien, ne le concerne pas.

La solitude du soir

J’attends le soir et alors je respire. J’attends que le nuit tombe. J’attends que les bruits s’évanouissent. j’attends que tout le monde s’endorme. Et alors je me sens libre. Et alors je me laisse être qui je veux. Et alors je souffle enfin. Suivant la saison, je m’allonge dans l’herbe fraiche ou je m’installe devant la cheminée. Toujours une boisson chaude à la main. Je laisse la chaleur réchauffer mon corps et mon esprit. Parfois, j’ajoute un fruit. Je prend le temps de respirer. De me vider de la journée avant d’aller me coucher. D’assimiler mes pensées et mes émotions. D’affronter mes peurs. Parfois, j’écris mes réflexions ou des histoires. Je laisse mon esprit guider le stylo sans filtre. Je sais quand il faut écrire. J’ai les doigts qui picotent et le cerveau qui bouillonnent. Et parfois au contraire, je ne veux pas coucher sur le papier alors j’offre au vent. Je me demande tout ce qu’il a entendu dans ses voyages. Dans ces moments-là, je limite au maximum la lumière. Comme si je ne pouvais pas livrer ces mots en plein jour. Je tamise ou j’éteins. Le soir, je pourrais vivre dans le noir. Etonnant quand on sait que j’ai eu longtemps peur du noir. L’été, j’adore m’allonger dans l’herbe et regarder le ciel. Je laisse mes pensée vagabonder au gré de mes soupirs. Je ne sais plus trop où je vais avec ce texte, je me suis laisser emporter par cette phrase. Elle résume si bien la sensation du soir et de la nuit. on peut faire tomber les masques et être soi. J’ai beau être plutôt du matin, j’ai parfois besoin de cet espace du soir. De me retrouver seule avec mes pensées. Pour les laisser s’échapper ou pour les attraper. Tout dépendra du moment. J’ai passé de longues heures assise sur des rebords de fenêtre à observer les étoiles. A écrire mes premières histoires. A contempler la lune. A extérioriser mes émotions. a regarder le ciel. a noter ma vie dans des carnets. Et même si je le fait moins, j’aime toujours retrouvé cette sensation. Cette expérience de la solitude du soir. Je m’endors toujours le cœur plus léger et le sourire aux lèvres. Comme si tout ce qui est échangé dans la nuit, s’envole de mon cœur et de mon esprit. Comme si c’est le meilleur moment pour comprendre et avancer. Comme si tous les nœuds de ma vie se résolve à la leur des étoiles.

S’évader

J’enjambe la rembarde pour me glisser vers un ailleurs que je ne connais pas encore. Une liberté à découvrir. Je ne sais pas du tout où je vais , ni ce qui m’attends. Je sens les herbes hautes me fouetter les mollets mais je ne laisse pas ce détail me distraire. Je ne cours pas mais mon pas est pressé. Je veux mettre le plus de distance entre moi et eux. Entre moi et toute ma vie. Entre moi et cet endroit. Mon sac claque dans mon dos. J’y ai glissé les seules possessions que je juge importantes. Un seul sac pour n’alerter personne de mon évasion. Arrivée en haut de la colline, je me retourne un instant. Un dernier regard à cette ville maudite. Je veux tout laisser ici. Les souvenirs, les peurs, l’avenir malheureux. Je n’emporte que ton sourire avec moi. Tu es la seule chose qui me manquera même si je sais que tu n’approuveras pas mon choix. Tu n’as jamais compris mes doutes et ma rébellion. Toi qui a toujours suivi religieusement les enseignements. Toi qui a toujours cru à tout. Toi qui a toujours envisagé ton avenir ici. Je détourne mon regard et essuie la seule larme qui a coulé sur ma joue. Je ne sais pas ce que la suite me réserve. Je n’ai pas de plan, pas de ressource. Mais tout mieux que cette prison. Je veux rejoindre la civilisation et expérimenter la vie en dehors de la communauté. Et si je dois aller en Enfer, j’y vais avec joie. Là-bas c’est déjà l’enfer sur terre. Je me dirige comme je peux dans le noir. L’objectif est de rejoindre la ville la plus proche qui n’est la communauté. Et je dois faire vite. Au petit matin tout le monde saura que je suis partie. je dois être le plus loin possible avant. J’essaye de ne pas réfléchir à ce qui se passerait si ils me retrouvaient. Je ne veux jamais y retourner. Jamais y repenser même si je sais que c’est impossible. Je ne peux pas effacer 18 ans de ma vie. Je vais faire de mon mieux pour els remplacer par une toute autres vie pour les prochains. Mes pieds et mes jambes fatiguent mais je pousse mon corps le plus possible. Je dois avancer et m’échapper. J’ai noté dans un carnet tout ce que j’ai entendu du monde extérieur. Et surtout les contacts des gens qui pourraient m’aider. J’espère m’en sortir dans ce monde que je ne connais pas. Dont je ne connais pas les codes. Auquel je n’ai pas été préparée. Mais tout mieux que là-bas. Tout mieux que la perspective qui m’attendait. Le soleil commence à se lever et je distingue au loin ma destination. Je ralentis un peu mais ne m’arrête pas. Je ne suis pas encore sauvée. Je me remémore les directions et essaye de m’orienter au mieux. Tout est étrange. Je ne me sens pas à ma place mais je persévère. C’est un sentiment que je connais bien. je cherche un endroit pour enfin appeler le numéro que je connais par cœur. Je finis par poser la question à quelqu’un qui me regarde de haut en bas puis me tend un téléphone. Je compose tant bien que mal le numéro et attends. une voix inconnue me répond et je dis : « J’ai besoin d’aide. »

Trésor d’une maison vide

J’explorais la nouvelle maison. Elle était encore vide. Suspendue entre le départ et l’arrivée. En attendant une livraison, je partis à la découverte de ce nouveau lieu. Trouver ses petits défauts et ses petites cachettes. Au bout d’un moment, je quittai la chaleur de la cheminée pour m’aventurer à l’étage. Je montai l’escalier lorsque j’entendis des pas précipités. J’étais pourtant seule. M’arrêtant au milieu des marches, je tendis l’oreille mais ne discernant aucun son je continuai. Les pièces semblaient immenses, dépourvues de tout meuble. Je laissai glisser ma main sur le papier peint qui disparaitrait bientôt. Poussée par la curiosité, j’ouvris un des greniers. Il fallait courber la tête et un courant d’air fit voler mes cheveux. Néanmoins, je voulais aller jusqu’au bout. Arrivée au mur du fond, mon pied buta sur quelque chose. Une clé au milieu du grenier vide. Je la pris er l’examinai attentivement. Elle n’avait rien de spécial si ce n’était sa localisation. En me retournant mon pied buta à nouveau. On aurait dit une marche mais c’était impossible. Et pourtant au milieu du grenier en sous-pente se trouvait cet escalier magique. Il passait à travers le toit et donnait sur une porte en bois. Intriguée, je décidais de monter la clé toujours en main. En m’approchant de la porte, j’aperçus du mouvement. Je ne pouvais le décrire que comme un lutin fouillant ses poches frénétiquement. J’approchais doucement et lui tendit la clé toujours dans ma main. Son regard passa de la concentration à l’étonnement. Ce devait être lui que j’avais entendu dans l’escalier. Il prit la clé et la glissa dans la serrure. Pour me remercier, il m’invita à entrer et me servit du thé. Il avait comme moi une collection de théière impressionnante. Aucun de nous ne vit le temps passé. A tel point que je ratai ma livraison. Pour consolation, il m’offrit une des ses théières préférées. Ma compagne me réveilla à ce moment-là. Je m’étais endormi dans le fauteuil devant la cheminée. Plus tard, je trouvai une petite clé dans ma poche.

S’offrir des mots pendant l’atelier : chaud, concentration, lutin, grenier, théière, consolation, clé, escalier magique

Au cœur du labyrinthe

Il se trouvait au milieu du dédale. Il était entré confiant de pouvoir trouvé la sortie. Pariant même avec ses amis. Il s’attendait à une traversée rapide suivi d’une soirée de décadence. Il en était tout autre. A force de déambuler sans faire attention, il s’était perdu. Il aurait du prendre exemple sur la mythologie et dérouler le fil d’Ariane dès le départ. Il prit une profonde inspiration pour se calmer et réfléchir à une solution. Il retourna sur ses pas pour essayer de débusquer un indice sur la direction à prendre. Il tendit l’oreille pour se repérer au son. Aucun ne lui parvenait. Pourtant il n’était pas seul dans le labyrinthe. Il avançait prudemment en essayant de ne pas dégringoler sur le sol un peu accidenté. Plus il marchait et plus il avait l’impression que le dédale agrandissait. Il essayait de se raisonner. Il n’était pas entré dans un édifice démesuré mais dans un labyrinthe de maïs. Aucun minotaure n’allait surgir d’un couloir pour le dévorer. Mais même avec ce mantra, la peur commençait à l’envahir. Il commença à courir dans tous les sens. jusqu’à ce qu’un mouvement l’arrêta. Du coin de l’œil, il avait vu quelque chose prendre un tournant. Il s’approcha doucement. Prudemment, il passa une tête. Rien du tout. étrange. Il détourna son attention du couloir vert pour observer le carrefour. A ce moment-là, une main s’abattit sur son épaule et il sentit un souffle dans son dos. « Cours ». Il ne se figea que quelques secondes avant d’obéir. Il courait en sentant la présence dans son dos. Il avait enfin l’impression de reconnaitre le chemin. Peut-être bientôt la sortie. Dans sa panique, il capta des rires. Des rires, étrange. Il ralentit un peu et son esprit se mit à nouveau à réfléchir. Il prit un tournant brusque puis attendit de sauter sur ce qui le suivait. C’était ainsi qu’il démasqua un de ses amis qui l’avait suivi dans le dédale. Il pesta mais du néanmoins reconnaitre que la blague était bonne. Ils sortirent enfin des rangs de maïs pour retrouver tout le monde.

Rituel du vin chaud

Marie tend la main et attrape le verre en plastique. Des volutes de fumée s’en échappent. Elle lance un sourire au commerçant puis se tourne vers le marché. Elle enroule ses doigts autour du verre puis elle l’approche de son visage. Elle inhale l’odeur sucrée et épicée qui s’en dégage. La fumée et les épices du vin chaud la réchauffe avant même la première gorgée. Toute son attention est tellement centrée sur le verre que tout son corps se ramasse autour. Ses mains, ses épaules, son visage entourent le précieuse breuvage. Elle tente une gorgée. Elle sent le liquide sur sa langue. La brulure est plus présente que le goût. Il faut attendre encore un peu. Elle profite de la fumée et de la chaleur qui s’échappe pour chauffer le bout de son nez rougit par le froid. Elle pose une de ses mains sur le verre et laisse la condensation se former dans sa paume en observant le marché. Elle est tellement concentrée sur son vin chaud qu’une bulle s’est formée autour d’elle. Les sons et les lumières fortes se sont évaporées. Elle distingue les couleurs et les mouvements mais c’est tout. Quand elle sent que sa main devient trop humide, elle la retire et approche le verre de son visage. Elle tente à nouveau une gorgée. La température est à présent idéal. Le mélange de saveur explose alors sur sa langue. Entre le vin et les épices. Et cette duce chaleur qu’elle sent dans tout son corps. Elle laisse le vin chaud la réconforter de l’hiver et du froid. Il l’emmène loin du quotidien goûter quelques instants à la magie de Noël. Elle ferme les yeux et reprend une gorgée. Elle la savoure en l’associant à la chaleur entre ses mains et à l’humidité sur son visage. Cette expérience unique et pourtant identique tous les ans. A côté d’elle, Charlotte l’observe. Elle aussi un vin chaud à la main. Elle n’a jamais compris pourquoi Marie aimait autant ce rituel. Charlotte aime le goût du vin chaud. C’est un incontournable de l’hiver et du marché de Noël mais elle n’a jamais ressenti cette sérénité. Ce qu’elle aime dans le vin chaud, c’est voir sa compagne le boire. Assister à la création de la bulle. Le moment où elle se recroqueville autour du verre comme pour en absorber toute la chaleur. Puis elle s’ouvre à nouveau et tout son visage se détend. Avec la première gorgée, Charlotte voit toujours la grimace de la brulure pendant une seconde. Puis le rituel de la mains au-dessus du verre. C’est ce qu’elle comprend le moins. Elle trouve la sensation très désagréable. C’est chaud et humide. Et enfin à la deuxième gorgée, la vraie, tout le corps de Marie se détend et son visage devient serein. Charlotte lui laisse toujours encore quelques instants avant de lui tapoter sur l’épaule. Elles entament alors leur tour du marché main dans la main en buvant leur vin chaud. Elles achètent rarement quoique ce soit mais c’est leur rituel. Deux semaines avant Noël, elles se prennent une après-midi à deux. Elles se baladent, elles profitent ensemble de l’hiver. C’est le premier pas vers Noël.

Trinity

Sentir son absence dans chaque pièce. Dans chaque recoin de la maison. Dans chaque geste du quotidien. Cette absence qui s’installe vite finalement et qui pourtant me brûle les doigts. Je continue ma vie mais au détour d’une habitude je me souviens. Dans ces instants où elle était toujours là et la place est à présent vide. C’est si proche et si loin. Je voudrais oublié et en même temps me souvenir. Me souvenir de la vie mais oublier sa mort. Oublier son regard éteint. Oublier sa poitrine immobile. Oublier cet instant où tout a changé. Malgré tout au milieu de la nuit, les images reviennent en flash. Je fais tout pour les chasser mais elles sont là, gravées. Comme quelques autres. Comme une collection qu’on ne veut pas revisiter mais qui ne s’efface jamais. Peut-être que les larmes se sont taries mais le cœur se serre et la gorge se noue. Quand je tend ma main pour rencontrer le vide. Quand je pense entendre le bruits des pas dans l’escalier. Quand il n’y a qu’une là où il y avait deux. Et cette question sans cesse. Tu vas bien ? C’est anodin et destructeur en même temps. Répondre oui à ceux qui n’ont pas besoin de savoir. Répondre non à ceux qui m’épauleront. Laisser une larme couler. Et à cet instant se demander comment je vais lire ce texte. Je m’étais dit que je n’écrirais pas sur ce sujet. Les mots en ont décidé autrement. Peut-être était-ce nécessaire pour avancer ? Partager un peu ma peine. Un peu d’elle. Son pelage si doux qu’on voulait y enfouir sa tête. Ses pas lourds dans l’escalier quand elle entendait du bruit dans la cuisine. Sa façon de venir m’accueillir au portail en levant sa tête pour rencontrer ma main. La cavalcade du matin pour sortir le plus vite possible. Ses câlins rien qu’à elle, quand elle grimpait sur moi pour frotter sa tête contre la mienne. Tous ces souvenirs qui se bousculent dans son absence. J’ai la maigre consolation de savoir que j’ai tout essayé. Qu’il y avait peu de chance de la sauver. Qu’elle est morte dans mes bras en entendant ma voix. La maigre consolation de savoir qu’on lui a offert une belle vie. Heureuse et en confiance avec nous. Maire consolation car on aurait voulu plus. Plus de temps. Plus de câlins. Plus de jeux. Je ne sais même pas comment finir ou continuer ce texte. Je ne sais pas comment mettre les mots sur la violence de ces instants. Sur l’impuissance de la voir partir. Sur la responsabilité de ne pas avoir su la protéger. J’ai discuté, j’ai pleuré. Malgré tout à chaque fois une petite partie de moi meurt avec eux. Je sais que certains ne comprennent pas l’attachement que nous avons pour ces boules poilues. Mais ils sont autant une part de notre famille que les humains. Ils ont autant leur place dans notre cœur et dans notre vie.

S’être laissée porter par l’émotion. Par ce mot. Absence. Hésiter un instant à partager. Partager l’intime et la peine. Se lancer. Trébucher. Pleurer. Mais ne jamais toucher le sol. Reconnaissante. Emue. Consolée. Portée par la bienveillance à travers l’écran. Repartir plus sereine. Un peu libérée. Après cet après-midi d’écriture et d’échange. Accepter sa peine et son deuil. Sans se laisser écraser. La faire vivre pendant quelques lignes. Quelques instants. La partager avec d’autres pour ne pas l’oublier.