La solitude du soir

J’attends le soir et alors je respire. J’attends que le nuit tombe. J’attends que les bruits s’évanouissent. j’attends que tout le monde s’endorme. Et alors je me sens libre. Et alors je me laisse être qui je veux. Et alors je souffle enfin. Suivant la saison, je m’allonge dans l’herbe fraiche ou je m’installe devant la cheminée. Toujours une boisson chaude à la main. Je laisse la chaleur réchauffer mon corps et mon esprit. Parfois, j’ajoute un fruit. Je prend le temps de respirer. De me vider de la journée avant d’aller me coucher. D’assimiler mes pensées et mes émotions. D’affronter mes peurs. Parfois, j’écris mes réflexions ou des histoires. Je laisse mon esprit guider le stylo sans filtre. Je sais quand il faut écrire. J’ai les doigts qui picotent et le cerveau qui bouillonnent. Et parfois au contraire, je ne veux pas coucher sur le papier alors j’offre au vent. Je me demande tout ce qu’il a entendu dans ses voyages. Dans ces moments-là, je limite au maximum la lumière. Comme si je ne pouvais pas livrer ces mots en plein jour. Je tamise ou j’éteins. Le soir, je pourrais vivre dans le noir. Etonnant quand on sait que j’ai eu longtemps peur du noir. L’été, j’adore m’allonger dans l’herbe et regarder le ciel. Je laisse mes pensée vagabonder au gré de mes soupirs. Je ne sais plus trop où je vais avec ce texte, je me suis laisser emporter par cette phrase. Elle résume si bien la sensation du soir et de la nuit. on peut faire tomber les masques et être soi. J’ai beau être plutôt du matin, j’ai parfois besoin de cet espace du soir. De me retrouver seule avec mes pensées. Pour les laisser s’échapper ou pour les attraper. Tout dépendra du moment. J’ai passé de longues heures assise sur des rebords de fenêtre à observer les étoiles. A écrire mes premières histoires. A contempler la lune. A extérioriser mes émotions. a regarder le ciel. a noter ma vie dans des carnets. Et même si je le fait moins, j’aime toujours retrouvé cette sensation. Cette expérience de la solitude du soir. Je m’endors toujours le cœur plus léger et le sourire aux lèvres. Comme si tout ce qui est échangé dans la nuit, s’envole de mon cœur et de mon esprit. Comme si c’est le meilleur moment pour comprendre et avancer. Comme si tous les nœuds de ma vie se résolve à la leur des étoiles.

Dans les méandres

De rimes en rimes, de mots en mots, je tri mes pensées. Pourtant, je l’écris en prose. Peut-être faudrait-il que je pause le temps de trouver le bon ton. Mais existe-t-il seulement ? N’est-ce-pas moi qui décide. je définis les règles. De blanc à noir, c’est peut-être cela le bon ton. La bonne couleur. Ajouter des hiéroglyphes à la page. Peu importe le sens. je pourrais finalement aller de droite à gauche. pourquoi pas ? Tourner en rond sinon. Non, cela serait ennuyant. Cependant, l’ennui n’est pas vraiment un problème en soi. Il nous ramène à nous-même et permet à l’esprit de vagabonder dans ses propres méandre. trouver l’idée qui se cache au cœur du labyrinthe pour la faire germer. Ou peut-être juste pour faire passer le temps. Arrêter de fixer les aiguilles de l’horloge pour trouver celle qui se cache dans la botte de foin. Y en a-t-il seulement une à trouver ? Est-ce seulement important ? Ce n’est pas la peine de faire tout un foin si ce n’est pas le cas. O n a le droit de juste rêvasser pour le plaisir. Le plaisir de prendre le temps au lieu de le faire passer. Le pauvre, on va tellement vite qu’on ne se pose plus pour l’apprécier. Je suis sure qu’il aimerait si parfois on le regardait juste passer. Peut-être l’inviter pour un thé. Je suis convaincue qu’il aurait des choses à raconter. C’est peut-être un grand conteur que personne n’écoute.

Je ferme les yeux pour ressentir son passage. Je calme le rythme. Des mots, des battements de mon cœur, de ma respiration. J’emplis mes poumons d’air frais et je rejette ce qui pourrit dans les coins marécageux de mon esprit. Je sens encore leurs empreintes le long de mes neurones. j’essaye de ne pas les suivre jusqu’à la boue. J’en tends le bruit spongieux de mes pas. Trop tard. Alors j’enroule la corde autour de ma taille et la jette en arrière. A l’aveuglette, en espérant qu’elle atterrisse où elle doit. Je me prépare au marasme. Pourtant l’endroit n’est pas aussi sombre que dans mes souvenirs. Le clapotis de l’eau serait presque mélodieux. L’ombre des arbres n’est pas si menaçante. on pourrait presque distinguer les couleurs de quelques fleurs. je n’aimerais pas y rester plus que de raison mais il ne fait plus peur. Plus à en paralyser chaque fibre de mon corp.

Ecrire pour écrire

Des mots en pagaille. Qualifiés. En liste. Allant ensemble ou non. Tant de mots et rien à écrire. L’esprit vide. Relire encore et encore chaque mot. En détacher chaque syllabe. Faire rouler les lettres. Les associer entre eux. Les prendre un par un. Non, définitivement, il n’y a rien. Aucune image. Aucune histoire. Aucune émotion. Des bribes dansantes dans le vent. Des flash colorés qui se succèdent. Une cacophonie de sons qui s’entrechoquent. Mais pas de bouée de sauvetage. Aucune pensée à attraper au vol. Et quand le focus se refait sur la réalité, il n’y a que la page blanche. Si blanche qu’elle éblouit. Si blanche qu’elle hante. Si blanche qu’elle crie. Et tout à coup, les mots s’alignent. Les phrases se démêlent. Oublier les listes et les mots. Oublier les pensées floues. Oublier le stylo immobile. Quoi de mieux que d’écrire sur l’incapacité à écrire. Il y a toujours quelque chose à dire. Pourquoi écrire ? Comment écrire ? Quoi écrire ? Le poignet s’assouplit. Le stylo glisse. L’esprit s’éclaire. Et la page, elle, se remplit. Elle fonce, prend de la couleur. Elle rougit de ces lignes tracées. Elle revit autant que la personne. Elle s’offre aux mots en cascade. A ce texte sans but. Sans fin ni début. A ce texte dont la seule ambition est d’être écrit. A-t-il quelque chose à dire ? Peut-être ou peut-être pas. Il existe tout simplement. Il s’étend de plus en plus jusqu’à la sonnerie. Il s’étend jusqu’à l’apaisement. Il s’étend jusqu’à sa taille. Celle qu’il doi avoir. Celle qu’il aura quand il aura servi ce but qu’il n’a pas. Ce but qui ne réside pas dans ses lignes, mais dans l’être qui les écrit. Ecrire pourquoi écrire pour trouver quoi écrire. Ecrire tout simplement. Ecrire comme simple fait. Sans réfléchir. Sans planifier. Sans savoir. Couper la réflexion et seulement laisser le stylo suivre la pensée. Retrouver le plaisir du papier, de l’encre et du bruit. Retrouver le plaisir tout simplement. Encore quelques lignes pour la fin de la page. Peut-être la fin du temps. Perdue dans les lettres, ne pas y penser et glisser. Du cerveau à la pointe. De mot en mot. D’une pensée à l’autre.

Tête et corps

Parfois, je voudrais sortir de mon propre corps. Parfois, je voudrais laisser mon cerveau sur la table de nuit. Dans les deux cas, je voudrais arrêter de me prendre la tête. De me casser la tête. Comme si ma vie, mon corps, mon cerveau devenaient un casse-tête impossible à faire. Impossible de libérer la chaine ou de remettre les blocs en ordre. Je déteste arriver à cette impression de n’être jamais bien. Soit ma tête part en vrille, soit mon corps part en gelée. Serait-il trop demander de pouvoir maitriser mes mouvements et mes pensées ? Un instant de répit dans le chaos serait le bienvenu. Si je m’assois un instant, que je souffle du plus profond de moi et que je lève les yeux au ciel. Ou tout autre rituel pour calmer tout le tumulte, je sais bien que tout ce que je viens de raconter est faux. Rationnellement, je sais que ce n’est pas toujours comme cela et qu’il faut juste que je m’accorde un peu de temps. Mais bien sûr, rationnellement est un mot qui disparait souvent de mon vocabulaire. Surtout avec la fatigue. Mon cerveau considère certaines fonctions superflues quand je suis fatiguée. Comme la rationalité, les filtres ou la parole. Du coup, soit j’ai les nerfs en pelote, soit je dis tout ce qui me passe par la tête, soit je suis muette comme une carpe. Et fonctionner en société devient difficile. J’aimerais bien parfois me rouler en boule sous ma couette et attendre que cela passe. Mais ce n’est pas possible car il faut continuer. Continuer à ouvrir la porte, continuer à servir la soupe, continuer à aller travailler. Cela c’est quand mon cerveau décide que se sentir bien est un luxe. D’un autre côté, je ne sais pas ce qui est pire : cela ou quand mon corps décide que c’est lui qui mène la danse à présent. Une danse désarticulée et désagréable. Comme si il voulait se tordre sur lui-même, se faire tout petit. Ou éclabousser le monde. Tout dépend de son humeur. Le jeu devient alors de se concentrer sur autre chose, chasser le fourmillement et reprendre le contrôle. Ou parfois laisser faire et attendre. Tout dépend de la force que j’ai à ce moment-là. Et come tête et corps vont de pair, j’attends ou je m’enferme en moi-même. Ce que j’ai trouvé de plus efficace c’est soit de m’accorder une journée seule à l’écart du monde, soit de m’entourer de quelques gens. De ceux qui me font sourire. Car un sourire même forcé met du baume au cœur et à force on fini par sourire vraiment. Ou alors j’écris. Des pages et des pages. Comme si tous les mots sur la page disparaissaient de mon esprit. Tous ces sentiments désordonnés retrouvaient leur place. Parfois rien ne marche et parfois tout. J’ai juste accepté les hauts et les bas. Mais surtout j’ai accepté les bras et les mains. Les mains tendues et les bras enlacés. C’est finalement le meilleur des remèdes. Accepter l’aide. Accepter de ne pas être seule.

 

Encore et toujours le même texte

Les doigts frôlent les touches du clavier. La musique résonne dans les oreilles. Les pensées s’agitent. Comme une envie d’écrire. Mais quoi ? L’éternelle question. Celle qui hante tant de gens et de journées. Celle qui fait pauser mes doigts, sans mouvement, en suspension. Ne serait-ce que pour un instant. Parce que finalement, on peut toujours écrire le manque d’inspiration, l’importance d’écrire. On peut toujours lâcher la bride de nos pensées et laisser les doigts se balader sur le clavier. Avec pour seul but de voir les lignes apparaitre et le bruit des touches se faire entendre. Parce que parfois, le simple fait d’écrire. Ecrire même rien est suffisant. Suffisant pour faire cesser l’envie, apaiser les pensées. Et il ne reste plus que ces quelques miettes qui flottent. Et il ne reste plus que ces lignes avec ou sans sens. Et il ne reste plus qu’à mettre un point.

Un jour au parc

Je déteste la pluie pendant l’été et l’hiver. J’aime le ciel bleu, et grand, et lumineux. Je me souviens alors d’avoir oublié mon pull dans la forêt lors de la dernière promenade. Je me souviens surtout de l’herbe mouillée sous mes fesses. Et de ce doux sentiment de sentir tous les muscles de mon corps après l’effort. C’était un bel après-midi. Peut-être serait-il possible de retrouver mon pull ? Cela fait seulement deux jours. De plus, l’air frais me fera du bien. A peine ai-je mis un pied dehors que je sens que la pluie risque de tomber. Je presse le pas. Arrivée au parc, je ne me souviens plus exactement où est l’étang où nous nous sommes arrêtés. Je croise un employé et lui pose la question :

 » Vous poursuivez le chemin jusqu’au croisement et vous tournez à gauche. » C’est pourtant pas compliquer, il vous suffit de lire les panneaux. Vous les jeunes, vous préférez toujours demander plutôt que d’utiliser votre tête. C’est toujours pareil. Mais que fait_il là-bas à mettre son visage à deux centimètres des fleurs ?

Il ne peut pas sentir le parfum des fleurs mais l’odeur de chien mouillé. Il savait très bien que c’était une mauvaise idée d’aller voir sa tante et son roquet. Il cherche à tout prix maintenant à se débarrasser de cette odeur qui envahit toute sa vie. C’est insupportable. Il est presque sur que le beau labrador qui joue avec la petite fille n’a pas cette odeur de renfermé.

Elle apprécie qu’il vienne la chercher à la sortie de l’école. Elle aime sa barbe qui pique et ces instants passés à deux à jouer avec le chien. Elle aime beaucoup de choses maintenant qu’elle y pense. Elle aime le soleil qui se lève. Les câlins de maman. L’odeur du chocolat. Jouer dans la cour. Et la tête de son papa quand il réfléchit.

Nous avalons des couleuvres toute la journée. Nous ne questionnons même plus, nous croyons tout. Nous, ou seulement moi ? Non définitivement nous. Nous, adultes et enfants, n’avalons pas les mêmes, mais nous avalons pour vivre. Alors est-ce un mal ? Mais avalons-nous l’air que nous respirons, ou l’inverse ? Nous ne savons pas finalement, nous faisons tout simplement. Nous regardons tous les belles femmes qui passent avec leurs robes qui volettent.

Tu rêves si tu crois que je vais te donner mon numéro de téléphone. Tu rêves peut-être tout court avec ton regard dans le vide. Tu me vois, c’est tout. Tu rêves peut-être d’un sommeil réparateur. Surement au vu des cernes sous tes yeux et de la petite fille énergique à côté de toi. Tu rêves peut-être d’une maison à la campagne au lieu de ce parc. Tu pourrais y emmener la famille ou y passer tes vieux jours. Tu rêves même peut-être d’un jour posséder une petite mare avec des canards et canes comme celles qui passent devant moi.

Elles adorent être ensemble parce c’est là qu’elles doivent être. Au bord de l’eau ou sur l’eau. Elles restent ensembles et ici car elles sont heureuses ainsi. Rien que la liberté et rien d’autre.

Sur le trajet

Son thermos à la main, elle claque le portail et s’engage dans la rue. Elle serre son écharpe un peu plus autour de son cou. Le soleil point à l’horizon mais l’air est encore frais. Elle respire à fond et sourit. Peu sont debout et dehors à cette heure, mais c’est le moment qu’elle préfère. Et en cette saison, il commence à faire jour quand elle sort. Les oiseaux ajoutent leur douce mélodie au silence du matin. Le temps est un peu suspendu dans les rues vides. Elle s’engage ensuite dans le chemin de gravillons qui traverse le quartier. Il permet d’éviter les grandes artères. Elle veut juste prolonger un peu cette solitude qu’elle aime tant. Pour une fois elle ne s’est pas coiffée de son casque et elle entend le craquement des cailloux sous ses pieds. Elle regarde sa montre. 6h45. Elle est partie bien plus tôt que ce qu’elle pensait. Avec un petit sourire en coin, elle s’arrête alors et ouvre son thermos. Elle se tient au milieu du chemin, les mains autour du thermos, le visage juste au-dessus et les yeux fermés. Comme si elle pouvait stopper le temps pour en profiter un peu plus. Comme si e monde alentour disparaissait. Perdue dans ses pensées, elle laisse sa conscience vagabonder en attendant l’instant qu’elle sait imminent. Celui où le monde reprend ses droits. Un klaxon brise alors son moment, elle referme le thermos et repart vers le métro. Le corps rafraichi par le vent, elle continue sa route avec plus de vigueur. Comme si cette courte pause avait rechargé toutes ses batteries.

Elle quitte ensuite le petit chemin et s’engage dans la grande rue vers la bouche de métro. Elle descend les marches 2 à 2 en faisant tourner son pass entre ses doigts. Elle sait que si elle veut rester un peu plus longtemps dans son monde, c’est le moment de sortir son casque. Elle se sent bien aujourd’hui. Heureuse, en forme, prête pour un autre jour. Le bip la sort de sa bibliothèque musicale et elle pousse le portillon. Elle range son pass et sort son casque puis son téléphone. Une petite mélodie résonne pour lui dire que les deux se sont connectés. Elle ouvre son application de musique et se balade. Elle aime choisir avec soin ce qu’elle va écouter. Pour elle, il y a une musique pour chaque moment, chaque humeur. Ce matin, elle veut quelque chose qui bouge, qui l’entraine. Le métro arrive au loin, et elle n’arrive toujours pas à se décider. Le métro ralentit et les pistes défilent. Il s’arrête devant elle et une main se tend vers le bouton vert. Et si ne pas choisir était le meilleur choix. Elle prend la playlist adéquate et appuie sur aléatoire. Au moment où son corps passe la porte, les premières notes d’Apocalyptica se font entendre. Le bon choix.

Elle s’assoit et regarde par la fenêtre. Il n’y a rien à voir que les parois du tunnel et pourtant elle aime cette monotonie. Elle regarde défiler les stations et laisse ses pensées s’ébrouer. Elle lâche la bride. D’extérieur, rien ne se passe. Le regard un peu vide, les mains sur les genoux. Et pourtant, à l’intérieur, tout est plein de vie. La petite personne qui vit dans sa tête saute, tourne, danse. Les notes de musique s’enchainent et courent. Les pensées s’emmêlent et se démêlent. Elle aime ces instants de complet désordre, où elle n’essaye rien. Elle regarde juste passer le temps. Et il est déjà temps de quitter ce mode. Opéra s’accroche au mur et il faut changer de transport.

Elle se lève et se positionne derrière les gens qui comme elle descendent. Puis une fois sur le quai, elle se dirige vers l’escalier. Elle laisse ses pas la guider et son cerveau se concentre sur la musique. Un coup d’œil à sa montre lui indique qu’elle n’aura surement pas celui de 7h30 et en même temps elle entend les premières notes de Run. Mais non, elle n’est pas pressée. Elle descend, monte puis redescend. Les escaliers s’enchainent jusqu’au tapis roulant. Elle zigzague entre les gens. Elle n’est pas pressée mais elle n’aime pas couper son rythme. Elle sort son pass à nouveau. Un autre type de transport, un autre bip. Elle descend un nouvel escalier en jetant un coup d’œil au tableau d’affichage. Saint-Germain-en-Laye, 7h30, Train à quai. Elle pourrait encore l’avoir en pressant le pas. Ses yeux scannent le reste du tableau. Vesinet Le Pecq, 7h40. Celui-ci sera très bien aussi. Elle s’engage dans l’escalator. Une fois en bas, au tournant, elle aperçoit le RER toujours à quai. Elle pourrait courir et monter dans celui-là. Si elle court tout droit, elle pourrait être dedans et sentir les portes se fermer dans son dos. Mais non. Elle marche parallèle au bord du quai et entend le signal sonore.

Certains pourraient considérer qu’elle va perdre 10 minutes, mais pas elle. Elle arrivera quand même à l’heure avec le prochain et c’est ce qui compte. Et elle aura le temps de remonter le quai pour se positionner sous le deuxième panneau d’affichage. Oui, car comme toute bonne Parisienne, elle a appris où se placer pour être juste en face de la sortie. Le troisième wagon en partant de la queue et la porte du milieu. Elle se place en retrait proche du panneau publicitaire. Une pub pour Saint-Gervais. Elle aimait bien aller à la montagne l’hiver. Mais c’était avant tous ses problèmes de genoux. Maintenant, elle a juste la hantise de se faire mal. Elle observe les gens passer en attendant le RER. Elle aime la variété des gens le matin. Ceux en costume qui ont un but et qui y vont à pas pressés. Ceux en jogging à peine réveillés. Ceux qui rêvent. Ceux qui lisent. Ceux qui comme elle observent. Elle aime par-dessus tout le contraste des femmes en tailleur, bien habillées, le chignon au sommet de la tête, l’attaché-case sous le bras et les baskets au pied. Elle ne sait pas pourquoi mais cela la fait toujours sourire. Le bruit du RER qui approche la tire de ses rêveries. Elle lève les yeux. Cergy-le-Haut. Ce n’est pas le sien. Elle ne bouge pas, mais sort son portable. Pas de message. Elle passe en revue les jeux qui s’y trouvent, puis les PDF qu’elle pourrait lire. Non, se dit-elle en secouant la tête, rien ne m’inspire. Elle ferme son portable et le range. Son esprit repart en quête d’un moyen pour passer le temps en attendant le prochain RER.

Et finalement trouver de quoi passer le temps fait passer le temps. Le RER apparait au bout du quai. Elle s’approche du bord et attend l’arrêt du train. Elle fait un pas de côté pour ne pas se placer au milieu de la porte. Elle regarde les gens sortir puis s’engouffre à son tour. Et là, elle a plusieurs choix : rester entre les deux portes, monter ou descendre. C’est toujours le même choix et pourtant toujours un peu différent. Selon l’horaire ou le monde, le choix se restreint plus ou moins. Mais si cela ne tient qu’à elle, elle monte ou descend. Rester entre les deux portes est le pire choix. Soit il est plus facile de sortir mais aussi de se faire écraser contre la paroi ou entre les gens. Et surtout de se faire grogner dessus par tous les gens qui veulent sortir. Ce matin, il n’y a pas beaucoup de monde et tous les choix sont ouverts. Elle prend le plus proche et descend. Il y a tellement peu de monde, qu’il reste maintenant le choix de la place. Là, il y a plus de paramètres à prendre en compte. Dans le sens de la marche ou non. Dans le face à face ou le carré. Proche de la fenêtre ou non. Si elle a le choix, c’est toujours dans le sens de la marche et proche de la fenêtre. Mais la place qu’elle aime le moins, c’est contre la paroi. En effet, c’est froid et cela offre moins de place que la fenêtre. Ou serait-ce plutôt la place du milieu sur la rangée de trois ? Elle sort de ses pensées et s’assoit à sa place préférée. Elle se colle contre la vitre et se dit qu’il y a bien qu’elle pour disserter sur la meilleure place assise dans le RER. Les portes se ferment et le train démarre.

Cette fois-ci, elle ferme les yeux et se laisse envelopper par la voix de Sharon. Elle n’a jamais eu peur de s’endormir dans les transports ou de mal à le faire si on y pense. Elle sait qu’elle se réveillera à temps. Elle a finalement plus de chance de rater sa station en lisant ou en regardant un film. Les stations passent sans qu’elle s’en rende compte. Puis, c’est le changement de luminosité qui la sort de sa torpeur. Elle ouvre les yeux et voit le RER sortir du tunnel. Plus que 3 stations avant de descendre. Devant les portes, les jeunes s’amassent avant de sortir. Nanterre Université. Elle se souvient de ses années étudiantes avec un sourire, puis de cette étudiante qui l’avait appelé Madame sur le trajet de la piscine la semaine passée avec un pincement au cœur. Elle se reprit car finalement elle ne s’était jamais vraiment senti jeune et avait toujours aimé être entourée de gens plus âgés. Et puis, elle aime bien plus sa vie d’aujourd’hui que ses années d’études. Rueil-Malmaison se fait entendre dans les haut-parleurs. Elle se lève et se dirige vers la porte.

Quand elle sort, elle se rend compte que l’air est encore un peu frais même si le soleil vient réchauffer sa peau. Elle s’agglutine avec les gens près de l’escalier trop petit pour la masse qui va et vient tous les jours. Elle les descend et tourne à nouveau son pass dans sa main. La dernière fois jusqu’à ce soir. Un dernier bip, un dernier portillon et le système de transport parisien la recrache dans le monde. Elle attrape le 20minutes au passage et prend la rue à gauche. Elle ne le lit pas ce journal, enfin juste l’horoscope avec ses collègues pour rire. Non, elle le prend pour les mots fléchés. Il y en a un petit tas dans un coin de son bureau. Les trop durs qu’elle ne veut pas abandonner. Elle traverse et suit la rue. Elle observe l’avancement des travaux comme tous les jours puis longe les bâtiments. Elle zieute par les fenêtres. Elle a toujours été un peu commère. C’est son petit plaisir coupable du matin. Voir qui est arrivé, ce qui a changé. Elle regarde sa montre. 7h58. C’est bon, elle pourra rentre, se dit-elle en sortant son badge. Pour une raison obscure, le sien ne permet pas d’ouvrir les portes avant 8h. Et il y en a des portes. La première qui donne sur la rue. Elle entend le petit clic et voit la lumière verte. Puis elle entre dans le sas avec les boites aux lettres et l’escalier pour le sous-sol. La deuxième porte. Même clic et lumière verte. Ensuite, elle prend l’escalier. Là pas besoin du badge. Elle prend toujours l’escalier. Elle considère que pour un étage l’ascenseur c’est un peu exagéré. Elle entre dans la partie centrale de l’étage avec les ascenseurs et la machine à café. Ses pas s’adoucissent sur la moquette. Il reste la dernière porte, celle à gauche, pour rentrer dans son aile. Dernier clic et lumière verte. La lumière du couloir s’allume. Elle observe les portes des bureaux. Aucune lumière. Elle sera encore un peu seule. Encore un moment pour profiter et lancer la journée.

Down the rabbit hole

Il y a 18 lunes qu’elle erre. Elle marche sans but. ou peut être vers quelque chose. Elle a oublié mais elle marche. C’est le plus important. Elle croit se souvenir que son anniversaire est passé pendant  ce temps. Aurait-elle eu 55 ans hier ? Elle ne sait même plus vraiment quand est hier ou aujourd’hui ou bien demain. Les jours se confondent. Le jour et la nuit se mélangent. Ici tout semblent inversé. Où serait-ce là-bas ? Quand on en sait plus où est ici et là-bas et que les pas nous portent vers l’inconnu, les repères s’envolent. Essaye-t-elle de rentrer ? A-t-elle quelque part où rentrer ? Peut-être l’attend-on ? Elle ne sait plus et ses pensées s’embrouillent. Cette maudite fée de ses 5 doigts l’a éjecté de sa vie pour ici. Peu importe ce qu’ici est. Elle lui a secoué si fort le cerveau que tout s’est mélangé. Plus rien n’est à sa place. Ils étaient 4 à table, 6 au maximum. Un 5 à 7, rien de plus ordinaire. Quand de trahison en passion ou de passion en trahison, le fée sortit du livre et se précipita sur elle. Peut-être est-elle dans le livre ? Ou les livres ? De 1914, en pleine guerre, au croque-mitaine et ses 43 dents. Le décor n’a plus de sens que ses pensées. Alors à défaut, elle marche. Elle se dit qu’elle arrivera bien quelque part un jour. Ou une nuit. Tout à coup , 92 000 heures et 59 000 secondes plus tard, le chat vole et elle s’arrête. Ses pieds l’un à côté de l’autre et non plus l’un derrière l’autre. Le chat plane au-dessus de Paris. Paris, c’est de là qu’elle vient. A force de marcher serait-elle revenu chez elle ? Le chat s’en va et une enveloppe se colle à son visage. 75019 Paris, retour à l’envoyeur par manque de rue. Peut-être un indice. Elle l’ouvre et commence à lire. 29 février, sur le port. Ses pieds repartent et elle lâche la lettre. Il semblerait qu’elle traverse le temps et non l’espace. Le port, elle s’arrête à nouveau. Au loin, elle voit un parapluie avec une √4 sur le dessus et deux personnes dans un des coins. Paul, murmure-t-elle. A présent, elle court. Si vite qu’elle pourrait faire du 90 à l’heure sur cette route qui n’en ai pas une. Ni pavés ni bitume, juste ce petit tube qui pulse jusqu’à une nouvelle date. 24 décembre 1986, la naissance de Juliette. Tout prend de nouveau sens. Elle court à perdre haleine, de neurone en neurone, pour sortir de ce dédale de son esprit. Refaire le fil de ses pensées pour trouver la sortie. Elle comprend enfin. Elle est assise devant la fenêtre perdue dans ses pensées. Littéralement. De pensées abstraite en souvenir pour retrouver le présent. Retrouver la première. Celle qui a tout déclencher. Elle en attrape certaines au passage mais aucune ne l’aide. 71,212 ans, l’âge moyen des seniors. Enfin la sortie.

Dépression d’hiver

J’ai les mains qui tremblent et la gorge qui se serre. J’ai la tête en vrac et les idées qui s’emmêle. J’aurais presque envie de pleurer. Je n’ai pas envie de te voir. Je veux juste rester seule dans le noir. Je veux juste jeter le monde par la fenêtre et me cacher sous la couette. Je hais ce sentiment. Ce trop plein de sentiments. Ces sentiments qui se mélangent. Il ne reste plus que ce marasme dans lequel je m’enfonce. Doucement, je glisse sans aucun moyen de me raccrocher aux parois. Je voudrais pouvoir rester dans mon lit à regarder le vide dans le noir toute la journée. Mais c’est impossible. Il y a toi. Il y a le travail. Il y a des obligations. Je sors, je survis et j’attends. J’attends que tout passe. Que le soleil revienne. Que mon sourire soit vrai.

Parfois, je voudrais arracher mon cerveau. Le laisser là sur ma table de nuit et continuer sans lui. Ne serais-ce qu’un jour. Ne serait-ce qu’un instant. Laisser tous ces doutes, ces questions. Faire taire cette voix qui envahit tout. Qui me fait oublier la beauté de ma vie. Parfois, je voudrais m’allonger sur le bord du chemin. Vous laissez tous continuer sans moi. M’étendre là et attendre que tout finisse. Laisser la vie filer et défiler sans moi. Ne plus rien ressentir. Spectatrice du temps qui passe. Parfois, je voudrais m’enfouir sous le plus doux des plaids. Et pleurer. Pleurer à me dessécher. Évacuer toutes cette tristesse qui m’étouffe. Tous ces sentiments qui m’oppressent.  Pleurer à oublier que j’existe. Parfois, je voudrais crier à en perdre la voix. Crier toute cette haine qui s’empile. Tellement fort que le monde entier pourrait m’entendre. Crier pour croire que j’existe. Que le son qui m’entoure prouve que je suis là. Jusqu’à ne plus avoir la force de me tenir debout.

Au lieu de cela, j’écris. J’aligne. Je m’époumone silencieusement. Je pleure des larmes invisibles.Je m’enfouis sous les mots. Je couche mon cerveau sur le papier. J’efface tout d’un mouvement de doigt. J’accroche un sourire et je reprends ma vie.